La petite histoire de... Eric Moussambani : l'Olympisme plus fort que la stupidite
La petite histoire de… Eric Moussambani : le combat d’une vie, entre le courage d’un homme et la studipité des autres.
Dans la vie parfois, au hasard des rencontres, des voyages, des discussions, deux mondes se télescopent. Deux univers, deux réalités différentes s’opposent sans se combattre. Ces moments où l’émotion ressentie et la force du symbole prennent le pas sur l’instant que nous vivons. De ces moments où prendre du recul nous apparait comme la pudeur nécessaire.
Eric Moussambani. Ce nom ne vous dit probablement rien. Pourtant, c’est une image comme celle-ci que symbolise cet athlète. Celle d’un Homme certainement incompris, moqué, mais au courage touchant. Celle d’un homme qui n’appartient pas à la même réalité que les autres. Celle d’un sportif qui n’a peut-être pas la même vision de la victoire.
"Eric l'Anguille", le meilleur nageur de l'Histoire de la Guinée Equatoriale
Eric est nageur. Il participe aux Jeux Olympiques de 2000 à Sydney. Il y a représenté son pays avec fierté : la Guinée Equatoriale. Il a consenti comme tous les autres athlètes à des sacrifices. Il a connu la cérémonie d'ouverture et a côtoyé les champions venus du monde entier. Il a participé à son épreuve. Et pourtant, sans avoir remporté la moindre médaille, il restera comme l’une des plus grandes « stars » de ces JO Australiens.
Tout le monde connait ces images : celle d’un jeune noir de 22 ans, seul, au milieu d’une piscine olympique, luttant de toutes ses forces pour ne pas se noyer et tout donner pour finir un 100m interminable. Celle de deux commentateurs hilares qui entre deux explosions de rires tentaient vainement d'être professionnels. Celle d’un stade entier entourant le bassin olympique, debout, encourageant Eric avec plus de ferveur que Ian Thorpe (nageur Australien) lui-même. Enfin celle d’un jeune homme au bord de l’apoplexie, fier de lui malgré un temps de 1minute 52 secondes et 72 centièmes (à titre de comparaison, le record du monde était de 47 secondes 84 au moment de ces JO).
Moussambani déclarera avec honnêteté : « Les 15 derniers mètres étaient les plus durs de tous ». Il met en effet plus de 25 secondes à les faire sous les applaudissements sincères de sa délégation fémélique.
Evidemment, la majorité de ceux qui ont vu ses images ont bien rigolés. Ils ont vu un noir se ridiculiser dans l’eau. Ils ont vu un participant à la plus prestigieuses des compétitions sportive être moins bon qu’eux. Ils ont vu ces images en direct accompagnées des rires incontrôlables (mais odieux) de ceux qui commentaient l’épreuve…
Eric Moussambani : magnifique symbole de l'olympisme
Moussambani est né en Guinée Equatoriale. Ce petit pays enclavé entre le Cameroun et le Gabon est l’un des plus pauvres et les moins développé du monde. Moussambani n’a alors jamais vu une piscine de plus de 20m avant les Jeux Olympiques. Eric s’entraine dans la plus grande piscine du pays : celle d’un hôtel...
Conséquence logique, Eric n’a jamais nagé un 100m en une fois. Il n’a pas la moindre idée de la distance véritable que représente 100m dans l’eau. La première fois qu’il parcours une telle distance ? C'est celle de sa première et unique course olympique.
Encore plus fou ? Eric a appris à nager 8 mois avant l’épreuve olympique. Il n’a ni lunette, ni maillot. Il n’a ni infrastructures de pointe, ni vidéos, ni combinaisons flottantes. Il n’a ni objectif, ni espoirs de médailles. Il n’a ni record personnel ni expérience des compétitions de natation. Les lunettes et le maillot qu’il porte le jour de la compétition sont ceux prêtés par deux athlètes compatissants.
Enfin, il est dans une course réservée aux nageurs issus des pays en voie de développement. Les trois participants engagés dans la série ne connaissent simplement pas les règles qui encadrent une course en natation. Les deux autres participants, qui eux aussi courrent pour la première fois, ignorent tout de l’existence du faux départ. Après deux faux départs, Eric est alors le dernier participant encore en course. Il n’a ni repère visuel, ni adversaires. Il sait que toutes les réactions de la foule seront pour lui et uniquement pour lui. Il a toute la pression d’un bassin olympique sur les épaules.
Dans de telle condition, mérite t-il vraiment les moqueries ? Est-il, comme nous avons pu le lire parfois au lendemain de cette épreuve, une honte pour les JO ? Evidemment non. Il est probablement celui qui incarne le plus les valeurs de l’olympisme : représenter son pays et y faire preuve de courage et d’abnégation.
Dans le monde du sport, la professionnalisation, la rationalisation, l’homogénéisation des disciplines conduit à un aplanissement des performances. C’est un phénomène de mondialisation et de globalisation des comportements qui établi de manière arbitraire ceux qui sont acceptés, tolérés et encouragés. Dès lors, comment réagir face à celui dont les codes, les référents et les moyens mis en œuvre pour réussir ne sont plus dans les clous ? En somme comment réagir face à la différence dans un monde du sport aseptisé et rationnalisé ?
La triste réponse nous a été apportée en direct sur une chaine publique. Et bien que ces images fassent sourire certains, pour moi elles sont le symbole de ce que le sport peut créer de meilleur : des hommes et des femmes qui se surpassent, font voler en éclat leur propres limites et tentent de repousser avec courage les limites de la stupidité.
Enfin comme Einstein l’a dit : « il n’y a que deux choses infinies, l’univers et la stupidité humaine. Et encore pour l’univers, j’ai des doutes… ». Je dédie avec humour cette phrase aux deux personnes qui commentaient ce moment où l’Olympisme avait un nom : Eric Moussambani.